Au moment où l’exécutif s’apprête à présenter en conseil des ministres son projet de loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », les métamorphoses actuelles de l’industrie sont une bonne illustration des opportunités offertes en termes d’emploi, à condition que notre système de formation soit en mesure de mettre en face les compétences ad hoc. Car, pour l’industrie, l’enjeu consiste à trouver les compétences qui lui font défaut aujourd’hui.
Insuffisamment attractive, pourvoyeuse de métiers manuels ou difficiles, abonnée aux secteurs en crise et aux plans sociaux, l’industrie souffre encore de bien des préjugés. Il faut donc réussir à donner envie.
C’était d’ailleurs l’un des enjeux du salon Global Industrie – grand Campusdédié à l’orientation pendant la Semaine de l’Industrie – que de contribuer à la faire mieux connaitre auprès des jeunes qui s’informent pour préparer leur insertion professionnelle.
L’industrie en pleine mue
Contrairement à des idées reçues qui ont la vie dure, l’industrie est en train de poursuivre sa mue technologique. Drones, « cobotique », tablettes connectées, impression 3D, IA sont appelés à profondément renouveler l’industrie. Usine, fabrication, organisation, travail… tout sera bientôt touché par la numérisation. L’industrie connectée de demain se familiarise déjà aujourd’hui avec l’internet industriel des objets, application industrielle des objets connectés grand public. Au CNAM, nous disposerons d’ailleurs très bientôt d’une nouvelle chaire sur la robotique et l’industrie du futur.
Comme l’a précisé Bruno Le Maire en lançant la French Fab en octobre dernier : « l’avenir de l’industrie française est dans l’industrie d’innovation haut de gamme. ». Un véritable écosystème de métiers va se déployer autour de cette révolution industrielle en cours. Et ces nouveaux métiers exigeront une montée en gamme des compétences. Il faut donc s’y préparer.
Opportunités méconnues
Les jeunes aujourd’hui sont encore trop mal informés sur les opportunités offertes par les filières de l’industrie connectée. Stéréotypes et opacité en sont les grands responsables. Derrière des termes valises comme ingénieur, informaticien ou data scientist, ils n’appréhendent pas la réalité concrète et quotidienne de métiers qui demandent désormais des connaissances de plus en plus transverses et une grande adaptabilité.
Jusqu’ici, nos jeunes ont été peu ou prou livrés à eux-mêmes. Aucun accompagnement réellement individualisé n’est prévu.
Le Gouvernement, grâce à la Ministre Frédérique Vidal, a choisi de prendre le taureau par les cornes en rendant accessible aux jeunes et aux familles une information plus éclairée lors de l’orientation, à partir de la troisième, au niveau bac ou post-bac. Prévoir en terminale deux semaines dédiées à l’orientation est un progrès.ParcourSup, en renforçant la transparence sur les débouchés, la moyenne des salaires ou les évolutions de carrières constitue va dans le bons sens. Qui sait que l’industrie technologique, c’est 150 métiers différents, 90% d’emplois en CDI, 1,5 millions de salariés dans l’aéronautique, l’énergie, le numérique, l’automobile, ou encore le spatial ? Et à chacun de s’étonner là encore qu’un soudeur ou un chaudronnier dans l’aéronautique gagne très bien sa vie…
Filières ostracisées et défaut d’orientation
Au Cnam, nous constatons que beaucoup de nos jeunes proviennent de filières généralement dévalorisées, voire ostracisées. Comment ne pas être saisi d’émotion en saluant le parcours d’un bachelier professionnel, titulaire d’un BTS et finalement ingénieur à 25 ans ! Nous savons aussi que ces ingénieurs vont porter par exemple le flambeau de la mécatronique ou de l’ingénierie des systèmes d’assistance des véhicules. Et qu’ils seront heureux de raconter comment ils se sont saisis d’un beau projet de développement pour leur usine ou leur centre de services.
Mais on constate encore trop souvent que les professeurs sont mal informés sur les métiers du futur et les nouvelles filières tandis que les conseillers d’orientation se dispersent, accaparés par trop de missions différentes. La mobilisation des uns pour en faire des coproducteurs de l’orientation et le recentrage des autres sont des pistes à explorer pour susciter des vocations et repérer les bons profils qui manquent tant à l’industrie.
Faire changer les mentalités
Évidemment, avec la question des débouchés professionnels, l’apprentissage devient décisif, surtout dans l’industrie. Il y a clairement un problème d’image de l’apprentissage avant le bac, trop souvent dévalorisé. Post-bac, les chiffres montrent que l’apprentissage se développe de manière continue dans l’enseignement supérieur, notamment dans la mécanique, les technologies industrielles, de l’électricité et de l’électronique, mais principalement sur le niveau ingénieur alors que des besoins demeurent sur le segment « -3/+3 » avec un dialogue qui reste à construire entre le secondaire professionnel et l’enseignement supérieur.
La « Révolution copernicienne » annoncée par Muriel Pénicaud sur l’apprentissage prend dès lors tout son sens, surtout si elle contribue à faire changer les mentalités.
Source : La Tribune