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Lucie Laporte, ingénieure en chimie de formulation appliquée à l’art

Si tous les chemins mènent à Rome, la chimie de formulation mène à tous les secteurs, ou presque. Lucie Laporte, ingénieure de 24 ans, doctorante spécialisée dans la formulation appliquée au patrimoine*, a emprunté ce parcours et trouvé le moyen d’allier deux passions, l’art et la chimie. Comment ? Elle préserve notre patrimoine artistique en restaurant les matériaux anciens dans le cadre de sa thèse sur les peintures à l’huile du 15e au 19e siècle au Laboratoire d’Archéologie Moléculaire et Structurelle de Sorbonne Université.

* update : Lucie Laporte est désormais docteure ! Elle a soutenu sa thèse avec succès mi-janvier 2023.

 

Quel a été votre parcours étudiant ?
La porte d’entrée a été les sciences avec un parcours assez classique. Après un bac scientifique, j’ai fait une classe préparatoire spécialité physique et chimie au lycée Victor Hugo de Caen puis je suis entrée en école d’ingénieur en chimie de formulation à l’ENSCR de Rennes. Je me suis alors spécialisée en « analyse et caractérisation de la matière et formulation ».

Quelle(s) expérience(s) professionnelle(s) avez-vous ?
J’ai clôturé ma première année d’école d’ingénieur par un stage de 3 mois au sein du groupe Rocher. J’étais chargée de formuler des produits cosmétiques et d’évaluer leur stabilité et caractéristiques sensorielles.
En troisième année, je suis entrée au Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques, pour étudier le plâtre et la consolidation des façades. Un tout autre domaine ! Je formulais du plâtre avec des caractéristiques bien précises pour reproduire le matériau fragilisé et le consolider. Cette expérience a été révélatrice et m’a déterminée à trouver le moyen de faire l’interface entre la chimie et l’art – qui me passionne –, le patrimoine et les matériaux anciens. C’est ainsi que j’ai postulé au Laboratoire d’Archéologie Moléculaire et Structurelle qui proposait un sujet de thèse sur les peintures à l’huile du 15e au 19e siècle.

Quel est le sujet de votre thèse ?
J’étudie l’influence du traitement et le rôle des siccatifs dans les propriétés et le séchage des huiles utilisées en peinture. A l’origine, celles à base d’huile de lin pouvaient mettre plusieurs jours à sécher. A partir du 15e siècle, les peintres ont ajouté des composants, comme l’oxyde de plomb, pour accélérer le séchage, réduit à quelques heures.
Après plusieurs siècles, certaines œuvres réalisées avec ce type de peinture ont noirci ou craquelées. Mes recherches consistent à comprendre le phénomène d’altération provoqué par le traitement des huiles.

Roelandt Savery (1579-1639), Orphée enchantant les animaux avec sa musique, 1627, huile sur panneau de chêne, 62 x 131.5 cm, la Haye, Mauritshuis.
Noircissement progressif de la teinte marron clair du premier plan, rendant les animaux difficilement discernables à l’œil nu. 

Comment s’organise votre temps ?
L’essentiel de mon temps est rythmé par la planification d’expériences, leurs réalisations au laboratoire et les échanges avec mes deux encadrantes, Laurence de Viguerie, chargée
de recherche CNRS, et Guylaine Ducouret, Rhéologue* . En parallèle, j’ai suivi de courtes formations de spécialisation, sur une thématique ou un appareil. J’anime également des travaux pratiques en licence sur l’analyse et la caractérisation de la matière et des travaux dirigés en thermodynamique.

Quels sont les débouchés dans votre spécialité ?
L’enseignement peut être une suite logique du doctorat en tant que maître de conférence. Cependant, je préfère me consacrer à la recherche et mettre à profit ce que j’ai appris en formulation et rhéologie dans le domaine du patrimoine.

Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un étudiant en chimie ?
Le premier conseil est de savoir qu’il existe d’autres possibilités d’intégrer une école d’ingénieur que la fameuse classe prépa. Les prépa intégrées sont une alternative intéressante.
Pour ma part, l’intégration professionnelle m’a manquée au début de mon cursus. Ce n’est qu’en école d’ingé que j’ai eu ces premiers échanges. La crise sanitaire a, peut-être, joué un rôle dans cette approche restée trop théorique à mon goût. Je n’avais pas d’idée précise concernant mon objectif professionnel. C’est grâce à mon stage au Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques, que j’ai découvert la formulation appliquée au patrimoine. Le sujet est assez pointu et sort des parcours classiques, souvent (sur)représentés par la cosmétologie. Je conseille donc de multiplier les stages et profiter de leurs apports pour découvrir la diversité des secteurs et des métiers.

* Le Rhéologue étudie la déformation et l’écoulement de la matière sous l’effet d’une contrainte appliquée.